Madeleine

Il y a des vies, des destins qui m’émeuvent plus que d’autres. Ton histoire, Madeleine en fait partie, c’est même sûrement celle qui me touche le plus. J’en ai déjà parlé très succinctement dans le billet « 100 mots pour 1 vie – Madeleine SICAULT ».

Fille de Pierre SICAULT et de Jeanne COLLIN, tu te maries très jeune avec Pierre CHABOUTY le 28 novembre 1730 à Amailloux (79). Votre bonheur atteint sa plénitude lorsque tu découvres que tu es enceinte 18 mois plus tard, et votre petit Pierre vient au monde le 9 mars 1733 … Quelle joie pour toi et ton mari !

Maternité - Chantal Parise
Maternité – C. Parise

Cette félicité ne dure cependant pas très longtemps… Elle prend fin brutalement au décès de ton époux le 23 juin, ton fils n’a alors que 3 mois, toi 19 ans, et vous êtes recueillis par ton beau-père Pierre dans sa ferme à Amailloux. Tu acceptes cette perte avec énormément de chagrin certes, mais aussi avec un certain fatalisme n’ayant guère le temps de te lamenter entre tes nombreuses occupations à la ferme et ton enfant. Comme l’impose la Loi, un curateur, Marc GEFFARD, est nommé pour veiller sur ton bébé. Au fil du temps de tendres sentiments vont naître entre vous et ta période de deuil écoulée, vous vous mariez le 18 janvier 1735.

Tu n’as que 21 ans, une nouvelle vie commence pour toi, et très vite tu es à nouveau enceinte.

Ta petite Marie-Madeleine naît le 22 janvier de l’année suivante …

Dès sa venue au monde ce bébé malingre, tout violacé, avec les membres glacés et qui ne bouge que très peu, te fait craindre le pire. Tu n’as plus qu’une obsession, rien n’a plus d’importance pour toi que d’entourer ton enfant de tout ton amour et de tout faire pour déjouer cette mort pressentie. Tu n’arrives guère à la réchauffer, tu restes de longs moments devant la cheminée en la tenant serrée contre toi près du feu, tu la prends même dans ton lit la nuit, collée à ta chaleur. Rien n’y fait …

Cette vie fragile, comme mise en pointillé, s’arrêtera 19 jours plus tard.

Comment supporter le deuil de cette mort immature ? Comment accepter de se séparer définitivement de ton enfant qu’un instant auparavant tu soignais, chérissais et caressais avec tant d’amour ? Que t’importe que tes proches te disent que « si Dieu a choisi de le reprendre, c’est pour son bien et qu’il veut en faire un Saint ». Que t’importe… !! Ton cœur hurle de douleur et de chagrin … Le destin te l’a arrachée des bras, il a arraché une partie de toi…

Madeleine au miroir
Madeleine au miroir

Marc ton mari, ta mère, ton beau-père et surtout ton petit Pierre t’accompagnent, t’entourent de leur affection, de leur amour et vont permettre, petit à petit, à ta souffrance de se canaliser et de s’apaiser dans le souvenir.

La vie reprend ses droits et le 7 septembre 1737, tu donnes naissance à une autre petite fille que vous prénommez aussi Marie-Madeleine, une façon de ne pas oublier… Elle te redonne goût au bonheur, à la joie et tu te dis qu’enfin, la vie te sourit, que le sceau du tragique s’estompe peu à peu …

Deux ans s’écoulent presque jour pour jour, et tu t’apprêtes à donner naissance à un autre enfant, mais rien ne se déroule comme les fois précédentes, les douleurs sont violentes et t’épuisent … Dès la naissance de cette autre petite fille, le 10 septembre 1739, ta famille et la matrone venue t’assister savent qu’elle ne vivra pas, toi, tu es trop fatiguée pour te rendre compte. Tu as à peine conscience qu’ils lui donnent les prénoms de Marie Madeleine et qu’elle est baptisée en urgence à la maison afin, disent-ils, qu’elle aille directement au Paradis s’il lui arrive malheur.

Tu n’auras pas à vivre à nouveau ce terrible drame qu’est la perte d’un enfant. Tu t’éteins le lendemain, le 11 septembre, et ta petite Marie Madeleine te suivra presque aussitôt, le 12.

Tu n’avais que 25 ans…

Peut-être vas-tu penser que dans ma volonté à vouloir raconter vos vies autrement qu’avec un alignement de dates, je me suis égarée un peu trop loin, cette fois-ci. Peut-être.

Car après tout qui suis-je pour écrire ta vie ainsi ? Que sais-je de ces nombreux drames que tu as vécus ? …

 

Sources :

Archives Départementales des Deux-Sèvres

  • Acte de mariage CHABOUTY/SICAULT : Amailloux BMS 1721-1769 vue 81/474
  • Acte de naissance Pierre CHABOUTY (fils) : Amailloux BMS 1721-1769 vue 109/474
  • Acte d’inhumation Pierre CHABOUTY : Amailloux BMS 1721-1769 vue 115/474
  • Acte de mariage GEFFARD/SICAULT : Amailloux BMS 1721-1769 vue 132/474
  • Acte de baptême Marie Madeleine GEFFARD (1) : Amailloux BMS 1721-1769 vue 140/474
  • Acte d’inhumation Marie Madeleine GEFFARD (1) : Amailloux BMS 1721-1769 vue 141/474
  • Acte de baptême Marie Madeleine GEFFARD (2) : Amailloux BMS 1721-1769 vue 150/474
  • Acte de baptême Marie Madeleine GEFFARD (3) : Amailloux BMS 1721-1769 vue 164/474
  • Acte d’inhumation Madeleine SICAULT : Amailloux BMS 1721-1769 vue 164/474
  • Acte d’inhumation Marie Madeleine GEFFARD (3) : Amailloux BMS 1721-1769 vue 164/474

Images :

 

 

 

 


4 réflexions sur “Madeleine

Laisser un commentaire